Village de Fourques 66

Mon village de 193à nos jours

Quand je repense à mon village, comme il a changé. Bien sur, en mieux, mais j’aime me souvenir comment il était à l’époque de mon enfance.

 

L’ENTREE DU VILLAGE
A l’entrée, il y avait 2 routes qui se rejoignaient : Celle de TROUILLAS et TERRATS à laquelle venait s’ajouter celle de PASSA.
Sur celle ci, à la place du caveau viticole, il y avait un lavoir couvert où les femmes lavaient leur linge. On l’appelait le » bassi nou «.
Il existait un autre lavoir plus ancien qui se trouvait à peu près à un kilomètre du village. On l’appelait » le riu majou «. C’était une source naturelle.
A l’embranchement des deux routes dont j’ai parlé plus haut, il y avait la cave de Marcel MARTY, là où il y a maintenant le lotissement. Il y avait une grande fenêtre par où on faisait passer les raisins pendant les vendanges et où on s’asseyait sur le grand rebord, filles et garçons pour bavarder ensemble.

La maison de Marinette SOLA existait déjà.
Là où il y avait le mécanicien, il y avait une vieille maison.
Plus haut, du coté gauche, çà n’a guère changé. La maison d’Alice PALMER, les grandes caves, la grande grille de Mme ASTOR y étaient aussi.
Mais du coté droit, un grand talus au bord de la route, puis au-dessus, des vignes. Le foyer rural, la poste, le lotissement Dr MASSINA n’existaient pas.
Le village reprenait à la maison de PUJOL, qui avait servi tour à tour de poste et ensuite de foyer rural. Le long de la route, les maisons ont refait leur façade, mais ce sont toujours les mêmes. J’ai oublié de dire que devant la nouvelle poste, il y avait un grand pylône avec une fontaine.

Chez Roger et Giselle PUJOL, il y avait un grand café avec une grande vitrine, une grande salle, une de plus petite et derrière une autre grande salle vitrée où avait lieu le cinéma deux fois par semaine.

DES ECOLES AUX DEUX ROUTES
Jusqu’aux écoles, à part les façades des maisons, rien n’a changé. Pas de bureau de tabac, ni coiffeuse, mais la pharmacie y était déjà avec un pharmacien qui n’était pas très commode.

Par contre, les écoles ont bien évolué. A l’époque, pas de cours goudronnées, mais des platanes dans la cour autour desquels on jouait aux quatre coins, un bassin

L’intérieur était peint, le sol en parquet que Victoire ROUSTANY balayait tous les soirs en arrosant d’abord avec une cruche pour ne pas faire trop de poussière.
Elle faisait aussi les » crides «, publications, à chaque coin de rue pour annoncer la venue de marchands sur la place ou autres communications.
Ensuite jusqu’aux 2 routes, c’est à dire jusqu’à la fin du village, il y a des maisons qui ont été construites plus tard. Il y en avait qui existaient déjà, et quelques terrains vagues dans lesquels on allait s’amuser. Sur la gauche c’était des vignes.

LE CARRER GRAN
Je vais vous parler maintenant du » carrer gran «. Quand on voit la belle boucherie PARES » Chez Roger «. Son père était également boucher.
Il y avait une toute petite boucherie avec l’entrée coté place. Coté » carrer gran » une sorte de garage où on tuait les cochons, les agneaux, les moutons, les volailles, les bœufs etc.…
Que de cris nous avons pu entendre quand on tuait ces pauvres bêtes. On allait porter un plat avec de l’ail et du persil, on nous remplissait ce plat avec du sang (la sanguette). On la faisait ensuite cuire à la poêle, comme c’était bon !

La boulangerie était située au même endroit. La devanture n’était pas si moderne, la mercerie n’existait pas.
Par contre, il y avait une petite épicerie toute vieille. L’entrée était dans la rue des quatre cantous tenue par une dame qu’on appelait Madeleine d’en POUNS. Elle était grande Mina, tout habillée en noir avec un » moucadou » noir sur la tête comme presque toutes les femmes de ce temps là, car on portait le deuil pendant longtemps des parents, des oncles, tantes, nièces. Ce qui faisait que beaucoup de femmes ne portaient des robes de couleur.

Plus haut, une autre épicerie qui fut plus tard la boucherie Georges PARE. C’est ses grands-parents qui tenaient ce commerce.

Presque en face du presbytère qui a été rénové depuis, la tante Catherine MACABIES vendait des tissus et l’oncle Potte allait dans les villages avec une sorte de roulotte avec le cheval qui la tirait, vendre des tissus, des pantalons, vestes de travail etc.

L’EGLISE ET LA PLACE
J’ai connu plusieurs curés, principalement le curé BERDAGUER qui avait de grosses verrues sur la tête et surtout l’abbé CALVET avec qui j’ai fait ma première communion.
Il était jeune et très beau, il portait une soutane, mais parfois on apercevait ses pantalons de golf. Il allait à la chasse avec le pharmacien. Il possédait une voiture dans laquelle il nous faisait monter avant de rentrer au garage. Pour nous c’était un plaisir car on n’était jamais allé en voiture. Toutes les jeunes filles étaient amoureuses de lui.

A l’époque, il y avait une messe très tôt chaque matin, le dimanche l’office à 11 heures et vêpres l’après midi. Il y avait un chœur de chant avec un harmonium, l’église était toujours pleine. Il y avait aussi une messe une fois par semaine, le soir.
Pour le mois de Marie, mois de mai, il y avait tous les soirs pendant 30 jours une messe qu’on appelait » couplêtes «. Les gens étaient plus croyants qu’aujourd’hui.

eglise FOURQUES
J’ai parlé de l’église. Elle n’avait pas encore été restaurée. A l’intérieur, il y avait de nombreuses statues : Ste Thérèse, St Michel archange, St Antoine de Padoue, ND de Lourdes, etc.… Elle était bien plus belle qu’aujourd’hui où on ne voit que les murs nus.
J’oubliais de dire qu’il y avait aussi un très beau chemin de croix.

La place de l’église (al cementeri veil) était affublée d’une sorte de garage qu’on appelait » Le casino » (Je me demande pourquoi ?). Dedans, il y avait le corbillard.
La place servait de dépôt de gravier, les gens y vidaient les ordures dans un coin. Y stationnaient des roulottes de gitans de passage qui rempaillaient des chaises, rétamaient les cuillères et les fourchettes, aiguisaient les couteaux, et de temps à autre, en été, des petits cirques venaient donner une soirée en plein air.
J’avais même vu un cinéma ambulant sur cette place.

DE L’EGLISE AUX DEUX ROUTES
Il y avait au coin de chez RASPAUD, une agouille où coulait de l’eau sale qui allait jusqu’à la route de LLAURO et un monument en pierre assez haut avec une croix en façade que l’on appelait la » missiou «.
La rue continuait jusqu’aux deux routes, c’est à dire jusqu’à la route de LLAURO. Il y avait quelques maisons, mais aussi des terrains vagues dont j’ai déjà parlé, et des vignes. Le cimetière se trouve au même endroit même s’il s’est agrandi.

LE PRE COMMUNAL
Les deux routes étaient le lieu de promenade. On y faisait les feux de la St Jean, mais c’était plutôt sur la route de TROUILLAS où il y avait un pré communal à coté du pont.
Ce pré se trouvait en bordure du REART et il y avait un petit chemin sous les chênes, les platanes, les bambous et les noisetiers qui conduisait au lavoir du » Riu majou » source d’eau fraîche. Ce petit chemin longeait la rivière où coulait une eau claire.
C’est dans ce pré que se réunissait toute la jeunesse du village et même des villages avoisinants.

LES RUES, ABREUVOIRS ET BANCS DE PIERRE
De quoi vais-je parler maintenant ? Des petites rues ?
FOURQUES doit dater de longtemps car il possède un labyrinthe de petites rues étroites, des coins et recoins qui étaient très bien à mon époque pour les amoureux le soir qui se retrouvaient dans l’embrasure d’une porte et échangeaient de baisers, se serraient l’un contre l’autre, se disaient des mots doux.
En ce temps là, il n’était pas question de coucher avec un garçon. On se retrouvait le dimanche pour danser ensemble. Comme c’était charmant ! Il y avait aussi des abreuvoirs : Un devant l’école, un autre devant la mairie, un également devant la maison de Christian SANCHEZ, juste en face de la route de MONTAURIOL.
Il y avait aussi des bancs de pierre dans certaines rues : Deux en face la mairie, un devant chez Yvonne OLIVERAS, un autre devant la maison de CABARIBERE, et un très long devant l’église.

chateau FOURQUES
LE CHATEAU
Je dois aussi parler du château fort : Une porte à l’entrée, une rue qui faisait tout le tour du château (à l’intérieur bien sur) avec une place et un puits, les grandes murailles et une petite rue transversale où il y avait un autre puits dans lequel la légende disait qu’au temps des seigneurs on jetait les gens dedans.
Il y a un tour de ronde qui existe toujours et un grand trou par où s’écoulaient les eaux de ruissellement qui se déversaient dans un grand bassin vers la «font del terrer «.
LA PLACE DE LA MAIRIE
Sur la place de la mairie, devant le château, il y avait une fontaine avec une manivelle, une sorte de roue en fer qu’il fallait faire tourner pour puiser l’eau.
A coté, une » pile», sorte de bassin où dans le temps les gens discutaient en attendant leur tour. Les jeunes hommes n’hésitaient pas à aller remplir la cruche ou le seau pour rencontrer les filles, pour leur faire la cour ou simplement la causette. Il y avait à coté deux platanes.
placedelamairie FOURQUES
C’est sur cette place qu’avaient lieu les fêtes et les danses, même pour la St Martin qui est pourtant le 11 Novembre.
Les gens âgés étaient assis autour de la piste et les musiciens sur une estrade. Je ne sais s’ils craignaient moins le froid que maintenant. Ils n’étaient pas habitués aux maisons chauffées. Une seule cheminée était allumée dans la cuisine et les chambres étaient glaciales. Mais c’était peut-être à cause de «l’estiu de san Marti».

La place était décorée ce jour là de guirlandes et de verdure. Les soirs d’été, les enfants se réunissaient sur cette place, il y en avait au moins une quarantaine qui jouaient à » pompon les carillons, la marelle, un deux trois la chasse, des rondes, à la corde et d’autres jeux dont je n’ai pas souvenance. Comme le village était gai à notre époque !

LES ALENTOURS
Par contre, les alentours du village étaient sales. Les vignes qui l’entouraient étaient pleines d’excréments humains. Il n’y avait pas de WC dans les maisons et certains endroits : la Cararade par exemple était une vraie décharge. Les ordures ménagères d’abord, les femmes venaient ensuite tous les matins vider les seaux hygiéniques pleins de selles et pipi.

LES CHEVAUX
Tout à coup, je me rappelle des chevaux. Je ne me souviens pas du nombre de chevaux dans tout le village, mais je sais que rien que dans ma rue, il y en avait cinq.
Avec les tracteurs, ils ont peu à peu disparu. Le dernier à été celui d’Henri OLIVERAS. Il y avait aussi quatre troupeaux de moutons.
Avec tout ça, les rues qui n’étaient pas encore goudronnées n’étaient pas bien propres, mais chacun y mettait du sien, et tous les matins les femmes balayaient et arrosaient. Ce n’était pas la mairie qui s’occupait du nettoyage.

L’EAU
Il n’y avait pas non plus l’eau courante dans les maisons, et comme je l’ai dit plus haut, on allait chercher l’eau aux fontaines qu’il y avait dans presque chaque coin de rue.
Il n’y avait pas non plus de réfrigérateur, et en été, pour avoir de l’eau fraîche pour boire, on allait, le soir, avant le souper avec une cruche la chercher à la » fount dal tarré «. Elle était bonne et avait un goût spécifique.

D’autres personnes allaient «al pou dal bénéfici», qui se trouvait au centre du village, chercher un seau d’eau très fraîche dans lequel ils plongeaient les bouteilles de vin ou d’eau pour boire frais au repas du soir.

st sebastien FOURQUES
Dans la nature, au milieu des vignes, deux chapelles : La chapelle St Sébastien se trouve au milieu d’un pré entouré d’oliviers. A l’intérieur, devant l’autel, la statue du saint percé de flèches. Les messes avaient lieu chaque année le 20 janvier pour les fêtes de St Sébastien et le lundi de Pâques.

L’autre chapelle s ‘appelle San Vicens qui se trouve au sommet de «riu majou». Elle date de l’an 800. On parlait de la restaurer, mais ça n’a jamais été fait.

LES FETES
Les fêtes, il faut que j’en parle aussi. La principale était la St Martin, puis la St Sébastien, et le dimanche et le lundi de Pâques, la fête de la société » la fourcatine «.

Dans toutes les maisons, on avait beaucoup d’invités qui mangeaient et dormaient chez les familles ou les amis, puis à notre tour, on allait aux fêtes de leurs villages.
Pour la saint Martin, il y avait des manèges, des autos tamponneuses, des tirs etc., les danses l’après-midi et le soir, et aussi un concert de musique classique au café.

On dansait la danse du balai, du tapis, la farandole. On était une cinquantaine, main dans la main, filles et garçons.
Le garde champêtre, » an DAIDé «, menait la farandole, on parcourait les rues du village en chantant et on revenait sur la place où couple par couple on s’embrassait.

fete mutuelle FOURQUES
Pour le carnaval, on s’amusait beaucoup. Vieux et jeunes se déguisaient.
On cherchait à reconnaître les gens masqués. C’était difficile. Il y avait un bal et ensuite on brûlait le Carnaval, colosse de trois mètres de hauteur, fabriqué avec des sacs bourrés de paille, auxquels on avait donné la forme d’une tête, de bras de jambes.
On allumait un grand feu et le pauvre Carnaval finissait en cendres.

Tout autour, dans une grande ronde, on chantait : » Al Carnaval es mort, tire baillanes dins dal clot «. Bien sur j’oubliais le 14 juillet avec ses feux d’artifice et ses danses sur la place publique.
A l’époque tout le monde dansait, la place était pleine de danseurs.

Je termine car je n’ai plus d’idées.
Que pourrais-je ajouter de plus ? Que j’aime mon village même si je l’ai quitté et que je garde au fond de moi des souvenirs inoubliables de mon enfance et de ma jeunesse passée dans ce petit village des ASPRES.

Vive FOURQUES, vive le pays Catalan. 1999 – Raymonde MIRA